QUELQUES DONNÉES SUR L’HISTOIRE DES ROMS EN SUÈDE

Les premiers documents concernant les roms en Suède, datent de 1512.
À l’époque ils sont désignés comme « tinkerers » (étameurs itinérants) ; ils vivent en permanence sous la menace de déportations ou d’emprisonnements pour commerce illégal ; les prêtres ont interdiction de les baptiser ou d’enterrer les personnes de ces groupes. En 1637, les lois se durcissent encore. Les hommes peuvent être condamnés à la pendaison et les femmes et les enfants à la déportation.

La fin du XIXe siècle marque un tournant : pour la première fois en Suède on commence à établir une distinction entre les Roms (considérés comme étrangers) et les nomades locaux. Le débat sur l’immigration devenant central, les Russes, les Polonais, les Juifs et les Roms sont considérés comme une menace pour la sécurité de la nation et la pureté de la population suédoise.

En 1914, les Roms sont directement ciblés par la loi d’un point de vue ethnique.
D’après ce texte législatif qui vise à limiter l’immigration des plus pauvres, les Roms étrangers ne peuvent plus entrer en Suède et ceux qui se trouvent sur le territoire ne peuvent en sortir, sous peine de ne pouvoir revenir. Cette politique de confinement va durer jusqu’en 1954.

En 1923, un « rapport sur le vagabondage » arguant du danger de la délinquance potentielle des jeunes Roms, propose que les enfants des Roms et des Voyageurs soient placés dans des foyers spécialisés et dans des camps de travail. Le rapport préconise également que des recherches soient menées afin de trouver « les solutions les plus appropriées pour libérer la société des Tsiganes ». Parallèlement à ce rapport, un décret spécial est adopté, stipulant que les Tsiganes et les vagabonds ne peuvent pas rester dans la même ville ou village plus de trois semaines. Ce texte a été appliqué jusqu’à la fin des années 1960.

Ces discussions prennent place dans un contexte idéologique sur la nature de la « race suédoise ».
L’isolement territorial de la Suède est perçu par certains théoriciens du racisme comme une protection ayant préservé la population « de la contamination par d’autres groupes ethniques ». Un institut national de biologie raciale, le premier dans le monde, est créé à Uppsala en 1921. Il est à l’origine de la propagande eugéniste suédoise. Dans les années 1930, le discours de l’institut se concentre sur les menaces venant d’éléments socialement inférieurs. En 1935, le parlement adopte une loi sur la stérilisation. Les personnes ayant une maladie ou une déficience mentale ou des désordres psychologiques sont concernées et peuvent être stérilisées à leur insu. Comme les recherches l’ont montré ultérieurement, toutes les personnes jugées « indésirables » pouvaient être victimes de ces mesures qui ont touché 63 000 personnes entre 1935 et 1976.

Pendant la Seconde Guerre mondiale
La Suède adopte une position officielle de neutralité. En 1943 le bureau national des affaires sociales et de la santé organise le recensement des Tsiganes. Selon ses déclarations, il s’agit de permettre aux autorités de comprendre et d’améliorer leurs conditions de vie. Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, l’enregistrement de données à caractère ethnique n’est pas neutre. 453 personnes sont enregistrées comme Roms par la police (soit environ 90 % de la population rom suédoise selon l’estimation du Bureau des affaires sociales).

Les conditions de vie des Roms après-guerre
Dès 1951 John Takman, un chercheur en santé publique, mène une évaluation sur la situation sanitaire des Roms à Stockholm faisant suite à un rapport de police indiquant que la population rom devenait trop nombreuse dans la ville. Takman, qui deviendra plus tard un militant de la cause rom, parvient à détourner son étude de l’objectif visé par la police. Il estime que les Roms ont un état de santé bien inférieur à l’ensemble de la population, et il souligne le fait que l’État est responsable de cette situation et des changements nécessaires.

En 1954 la députée Gerda Nilsson déclare : « la situation de la population tsigane est une illustration d’une forme de discrimination raciale qui jusqu’à preuve du contraire existe bel et bien en Suède ». Cette déclaration incite le gouvernement social-démocrate à prendre en compte « la question tsigane ». Cette même année une commission parlementaire est chargée d’étudier les conditions de vie des Tsiganes. L’étude de 1954 commanditée par la Commission parlementaire est confiée aux chercheurs Gosta Netzen et Carl-Hermann Tilhagen. Elle se concentre sur deux points : l’éducation et l’habitat. Dans le domaine de l’éducation ils relèvent le fait que les enfants roms doivent avoir accès à l’enseignement publique classique plutôt qu’à des dispositifs spécifiques. Cette mesure découle des conditions d’habitat de leurs familles. Sur ce point, les chercheurs relèvent trois cas de figure : les Roms déjà sédentaires qui aspirent à de meilleurs conditions de logement ; ceux qui sont nomades et souhaitent se sédentariser ; et la minorité qui veut continuer à voyager. Pour répondre à ces demandes, dans un contexte de crise du logement en milieu urbain, le gouvernement propose aux familles d’occuper des logements préfabriqués, construits après-guerre et des recommandations sont faites pour que les municipalités acceptent d’accueillir les familles roms.

Les Roms prennent la parole
Ces mesures qui marquent un tournant positif dans les politiques publiques suédoises à l’égard des Roms, sont néanmoins perçues par certains, comme des mesures d’assimilation, voire même selon certaines critiques comme une volonté déterminée de détruire l’identité rom.

Jusqu’à cette période, les Roms sont restés absents des débats publics les concernant. Ce n’est qu’à partir des années 1960, qu’ils ont pu s’exprimer et que Katarina Taikon a pu faire connaître leurs aspirations sur la scène publique.

Depuis 1999, les Roms sont reconnus comme minorité nationale
Selon le rapport 2010 de la Délégation suédoise pour les questions roms, il y a environ 50 000 Roms en Suède.

Sur les cinq principaux groupes de Roms : environ 4 000 sont des Roms suédois (arrivés en Suède dans la seconde moitié du XIXe siècle en provenance de Russie et d’Europe centrale) ; 4 000 sont des Roms finlandais (installés en Suède depuis les années 1950) ; 5 000 sont des réfugiés roms ou des Roms non nordiques qui sont arrivés dans les années 1970 avec leur famille ; 10 000 sont des Roms des Balkans (à partir des années 1990) ; 20 à 30 000 sont des « Voyageurs » ( les premiers Roms à être arrivés en Suède au XVIe siècle). Ces derniers sont officiellement appelés « Resande » (Voyageurs), le terme Tatarre qui les désignaient autrefois étant désormais péjoratif, il a été complètement abandonné dans l’usage officiel.

En Suède, les Roms sont reconnus comme minorité nationale depuis 1999 et la langue romani est une langue minoritaire officielle. Les Roms sont l’une des cinq minorités nationales reconnues, et la politique suédoise sur les minorités s’applique à tous ceux qui s’identifient comme Roms. Toutefois l’ethnicité n’est pas enregistrée dans le recensement suédois. Les chiffres mentionnés plus haut sont des estimations car, de sources officielles, il n’existe pas de données statistiques fondées sur l’origine ethnique.

(Source SwedenFRANET , National Focal PointSocial Thematic StudyThe situation of Roma 2012. Skaraborg Institute For Reasearch and Development)

En 2013, la presse révèle qu’ un registre policier recense plus de 4000 Roms.
Le quotidien Dagens Nyheter qui a révélé l’opération de fichage a indiqué que la police avait établi en 2012 un fichier de 4 029 personnes d’origine rom, dont plus de 1 000 enfants. En novembre 2013, la Commission suédoise de la sécurité et la protection de l’intégrité a déclaré que le registre de la police était illégal sans toutefois reconnaître que les individus avaient été enregistrés sur la base de leur origine ethnique mais sous le motif de liens de parenté même lointaine, avec des personnes ayant un casier judiciaire. Une compensation financière a été versée aux victimes de ce fichage mais en 2015 plusieurs d’entre eux ont déposé une plainte contre l’État suédois pour violation des droits humains et la cour d’appel suédoise de Svea a finalement conclu en 2018, que l’origine ethnique des personnes était le seul motif de ce fichage.

A l’aube d’une XXIe siècle, une nouvelle figure féminine émerge sur la scène européenne.
Suédoise d’origine rom, Soraya Post qui a appris que son nom figurait sur le fichier rom de la police suédoise, décide de s’engager en politique. En 2014, elle est élue au Parlement européen pour le compte de l’Initiative féministe, un parti suédois qui a rejoint les socialistes et démocrates (S&D) pour lutter contre les structures à la source des discriminations. Elle y dénonce l’antitsiganisme, une forme de racisme qui reste dans le déni collectif et institutionnel. En 2015, elle a joué un rôle moteur dans la résolution du Parlement européen, pour la reconnaissance par l’Union européenne, du 2 août comme journée commémorative du génocide des Roms, pendant la Seconde Guerre mondiale.

En 2018 l’historien Jan Selling, professeur d’études romani à l’université Södertörn de Stockholm, auteur de recherches sur l’histoire de l’émancipation romani et de l’antitsiganisme énonce cette conclusion sur la situation contemporaine suédoise : « Plusieurs organisations roms ont établi une structure permanente, tandis que la littérature romani en suédois et en rromani-chib se développe. Il y a également des raisons de croire que les efforts pour l’inclusion des Roms dans l’enseignement supérieur fourniront une base pour une plus grande mobilité sociale. La longue marche pour la reconnaissance des Roms par les institutions suédoises ne fait que commencer. » (Sweden – narrative essay – ROMARCHIVE)