de l’oeuvre
de Katarina
Au terme d’une vie intense et souvent éprouvante, Katarina Taikon s’éteint le 30 décembre 1995, après avoir survécu à un accident cardiaque qui l’a plongée dans le coma pendant treize ans.
Depuis 2015, une rue de Stockholm porte le nom de Katarina et la ville a créé le prix « Katarina Taikon » dont l’objectif est de mettre en lumière et de récompenser les défenseurs des droits humains.
La sœur de Katarina, Rosa Taikon, lui a survécu jusqu’en 2017. Célèbre orfèvre, elle a été récompensée par le prix « Olof Palme » pour sa lutte pour les droits de l’Homme.
Rosa Taikon 2013 – photo Björn Qvarfordt
« Nous les Roms, nous sommes arrivés en Suède en 1500 et nous avons été contraints de vivre dans des ghettos pendant plus de 460 ans. Et je ne parle pas des politiques fascistes de Berlusconi, ni de la situation dans les Pays de l’Est de l’Europe. Je parle d’une société démocratique suédoise. C’est seulement à partir de 1963, lorsque ma sœur a publié son livre « Zigenerska », que les choses ont commencé à changer. (…) J’aimerais dire aux jeunes, qu’il faut qu’ils se battent pour la justice, pour la démocratie et les droits humains et contre les persécutions. Nous devons pouvoir dire qui nous sommes, que nous sommes Roms. Parce que si nous ne savons pas d’où nous venons, alors nous ne pouvons savoir où nous allons.
Le racisme est toujours vivant et nous devons le combattre. (…) Ça a pris 460 ans pour résorber les camps-ghettos en Suède et tout ça parce qu’une petite fille venue du ghetto leur a dit de le faire ! »
Thomas Hammarberg qui fut un compagnon de route de Katarina et Rosa a occupé le poste de commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, entre avril 2006 et mars 2012.
Le 3 décembre 2007, dans le cadre de ses fonctions il prononça un discours intitulé « Les femmes roms sont les mieux placées pour défendre leurs droits » au cours duquel il rendit un grand hommage à Katarina Taikon, rappelant à cette occasion, son credo : « Les Roms sont des êtres humains comme les autres. Nous ne voulons pas de votre charité, juste les mêmes droits. »
Discours de Thomas Hammarberg , commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe entre (avril 2006 – mars 2012)
« Les femmes roms sont les mieux placées pour défendre leurs droits »
3/12/2007
« Les femmes roms sont, dit-on, souvent victimes d’une double voire d’une triple discrimination. C’est là une triste vérité, une honte pour les sociétés dans lesquelles vivent ces femmes. Il ne faut toutefois pas croire qu’au sein des communautés roms, le rôle des femmes se réduise à celui de victimes. Beaucoup ont de fortes personnalités et une énergie qui forcent le respect et l’admiration. Certaines sont en première ligne dans la lutte contre la répression et l’antitsiganisme. Ce sont elles qui défendent les droits de l’homme dans leur monde. Katarina Taikon compte parmi ces femmes. Elle est née en Suède en 1932, à une époque où le nazisme commençait à gagner toute l’Europe et où la situation déjà difficile des Roms s’est détériorée un peu plus. La Suède n’a pas fait exception. La famille de Katarina devait sans cesse se déplacer, sa présence n’étant tolérée que quelques jours au même endroit. Elle vivait de sa musique et de divertissements présentés sous une tente. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la situation s’est dégradée du fait de la privation du droit aux tickets de rationnement pour les denrées alimentaires et autres produits de première nécessité et du renforcement de la surveillance policière. La discrimination a continué longtemps après la guerre. Par exemple, on a persuadé des femmes roms (entre autres) de participer à un programme de stérilisation. Les déplacements incessants de la famille ont empêché Katarina d’aller à l’école. Elle avait presque trente ans quand elle a appris à lire et à écrire dans une école supérieure pour adultes (« folkhogskola »), avant de devenir écrivain ! Le 1er mai 1966, elle a été à l’initiative d’une manifestation en faveur de la scolarisation et du logement des Roms. La présence – pour la toute première fois – de Roms dans la manifestation du 1er mai à Stockholm, munis de pancartes où l’on pouvait lire « Nous voulons le droit d’aller à l’école » a produit l’effet d’une bombe dans le milieu politique. Ensuite, Katarina a constamment milité en faveur des droits de l’homme. Elle a écrit des livres pour faire connaître la culture et les traditions roms. Pierre à pierre, elle a reconstruit l’histoire des Roms en Europe, établissant des liens entre le « porrajmos » de la période nazie et la discrimination de toutes les époques. Son credo était clair : « Les Roms sont des êtres humains comme les autres. Nous ne voulons pas de votre charité, juste les mêmes droits. ». Par la parole ou par la plume, elle s’est beaucoup exprimée sur le droit des Roms – enfants et adultes – à l’éducation mais aussi sur le droit au logement (possibilité pour eux de s’installer convenablement et d’être logés décemment), le droit à la santé (l’accès aux soins comme droit humain, y compris des Roms) et le droit à l’emploi (en finir avec la discrimination des Roms sur le marché du travail). Katarina n’est plus parmi nous. Si elle pouvait voir le résultat de son action militante, elle aurait tout lieu d’être fière. Beaucoup de ses revendications ont été satisfaites. Mais je suis sûr que, si elle était là, elle s’attaquerait plutôt aux problèmes qui subsistent et à la discrimination durable envers les Roms en Suède. Ses mots d’ordre restent d’actualité. Les droits à l’éducation, au logement, aux soins de santé et à l’emploi demeurent essentiels pour éradiquer la discrimination envers les Roms. Et les femmes roms ont un rôle déterminant à jouer dans la promotion et la protection de ces droits. Dans de nombreux pays d’Europe, de jeunes femmes ont repris le flambeau de Katarina Taikon. C’est une source d’espoir. »