Le Premier ministre Olof Palme et Katarina Taikon – photo Leif Engberg

LE GROUPE DES 47

Qui sont les 47 ? La famille Kwiek a trouvé refuge en France en 1937. Certains membres de leur famille restés en Pologne ont été exterminés. Au moment de l’occupation allemande en France, ils fuient vers la zone libre et réussissent à atteindre l’Espagne où ils s’installent jusqu’à la fin de la guerre. Puis ils regagnent la région parisienne, à Montreuil où ils vont vivre aux côtés d’autres familles roms. Michal Kwiek déclare avoir été victime de nombreuses discriminations en France, en matière d’accès au travail et au logement ; il fait également état des espaces « interdit aux nomades » et de la difficulté de se déplacer.

Les soutiens de la famille s’appuient sur le fait qu’ayant obtenu l’asile en France et la citoyenneté de ce pays, cet État devrait leur accorder protection et leur assurer des conditions de vie décente.
Le recours prend donc la forme d’une demande d’asile politique, basée sur le fait que leurs droits fondamentaux sont bafoués en raison de leur origine rom. Katarina Taikon et Thomas Hammarberg (compagnon de route de Katarina et ardent défenseur des droits de l’Homme) sont parmi les personnes les plus engagées pour leur défense. Du côté des autorités, les arguments contre la régularisation s’appuient sur le fait que la France étant un État démocratique, le statut de réfugié politique ne peut pas s’appliquer à ses ressortissants.

Le rapport « Situation des Tziganes et autres nomades en Europe » du Conseil de l’Europe » de 1969
Ce rapport vient appuyer les arguments des familles et de leurs soutiens. Le rapporteur est un député suédois Membre du Riksdag Liberal, Daniel Wiklund. Il confirme le fait que des violations des droits de l’Homme sont effectifs dans les États membres ; il cite le cas de la France pour ses manquements à l’accès aux droits de ces citoyens tsiganes, dont le droit de vote est conditionné à une résidence de 3 ans dans la même commune alors même que le droit de stationnement dans les villes et villages est réduit à 48 heures. Il recommande que des terrains de camping correctement équipés soient mis à la disposition des nomades. Rosa Taikon critique le rapport, s’indignant du fait qu’un député suédois recommande la création de ghettos pour les Tsiganes, ce qui revient à les isoler et à les rendre invisibles aux yeux du reste de la population. Wiklund réfute cette appellation de « nouveaux ghettos » puisque les Tsiganes ne seraient pas contraints d’y vivre.

En octobre une entrevue est organisée au ministère de l’Intérieur ; puis l’échange d’arguments se poursuit à travers la presse. Le directeur des services d’immigration campe sur ses positions. Bien qu’il reconnaisse les discriminations subies par les familles, selon lui si la Suède accepte leur recours comme réfugiés politiques, la porte sera ouverte pour tous les Roms d’Europe.

Le 9 octobre, les familles reçoivent l’avis du rejet de leur demande.
Une grande mobilisation s’organise alors. Katarina écrit une lettre ouverte au nouveau Premier ministre Olof Palme. Elle est reçue en audience mais dès le lendemain la sentence finale est donnée

Le rejet est définitif et les familles doivent quitter le territoire.
L’expulsion des familles est organisée le 2 novembre, mais là encore les choses se compliquent car les Pays-Bas refusent que les familles transitent par Amsterdam craignant qu’ils restent sur le sol néerlandais plusieurs mois, comme ils en ont légalement la possibilité. C’est finalement sous escorte policière que les familles seront reconduites le 10 novembre 1969 en direction de la France.

À la suite de cet épisode, un rapport intitulé Organisation du transfert de certains tsiganes est produit par l’administration. Il est rédigé par un groupe d’experts du ministère de l’Intérieur. On peut lire que depuis le milieu des années 1960, des personnes d’origine tsigane sont de plus en plus nombreuses à venir en Suède et que l’État suédois considère cela comme un problème, redoutant de surcroit que le phénomène s’amplifie. Il est donc proposé d’établir des quotas annuels sur des principes semblables à l’accueil des demandeurs d’asile : 40 à 50 personnes d’origine rom pourraient être sélectionnées chaque année.